Et vous, quel est votre moteur pour agir et transformer le monde ?

Et vous quel est votre moteur ? La question était posée le 17 mai lors de la soirée de lancement de Telmi Studio à Toulouse avec l’objectif d’entendre la voix de personnes qui, dans des domaines différents (la banque, l’aéronautique, la recherche sur le genre, la politique et les médias), sont mobilisées face aux urgences climatiques, écologiques et sociales.

• climat• économie• innovation• sexisme

Une question en forme de fil rouge de la soirée qui a rassemblé une centaine de personnes à Toulouse lors du lancement de Telmi Studio. La question du moteur qui nous guide ou nous pousse à agir dans un monde d’incertitudes a mobilisé les participant.es réuni.es au cinéma Utopia-Borderouge le 17 mai dernier. Trois intervenant.es ont pris la parole Aurélie Baulard, Laurent Joly et Marlène Coulomb-Gully.

[Pour voir l’événement en images c’est par ici]

« L’orientation des flux financiers décide du monde de demain »

Aurélie Baulard, bras droit du CEO, Green-Got

« Mon moteur c’est de me lever chaque matin en sachant pour quoi je travaille et pourquoi je me bats : un monde meilleur pour le vivant et pour le climat ! ». À seulement 26 ans, Aurélie Baulard a déjà vécu plusieurs vies et décidé il y a 18 mois de reprendre ses études pour se former sur les enjeux climatiques et de biodiversité. En parallèle elle a rejoint la jeune entreprise Green-Got, une néo-banque destinée à permettre aux particuliers de détenir un compte bancaire et des produits d’épargne dans une banque qui, par ses crédits, ne soutient pas les énergies fossiles. « La plus grosse part de votre empreinte carbone se trouve sur cotre compte en banque et votre épargne sert à financer des projets dévastateurs alerte Aurélie Baulard. Aujourd’hui plus que jamais, l’orientation des flux financiers décide du monde de demain et il nous faut reprendre le pouvoir sur notre argent. Nos efforts du quotidien comme arrêter de manger de la viande, consommer local ou recycler nos déchets sont annulés par notre compte en banque. »

D’où le projet de Green-Got de financer la transition écologique au quotidien avec un nouveau modèle bancaire. « Il y a urgence car comme l’a révélé The Guardian les majors pétrolières et gazières s’apprêtent à mettre en œuvre 195 projets qui sont des bombes climatiques. On peut individuellement se sentir découragée par l’ampleur du défi climatique mais participer à un projet entrepreneurial constructif et ambitieux est très positif. La transition écologique est souvent vue comme une contrainte, quelque chose de négatif et de punitif… À nous de recréer du positif autour de cet imaginaire. »

Aurélie Baulard

« L’aviation, un prototype de problème environnemental »

Laurent Joly, directeur adjoint de la Recherche à l’ISAE-SUPAERO et directeur de l’ISA (Institute for Sustainable Aviation)

Créé en 2021, l’ISA a pour objectif d’aborder la question de la durabilité de l’aviation à travers une recherche à l’interface des sciences sociales et humaines, de l’économie financière et industrielle, de l’ingénierie aérospatiale et des opérations aériennes, des lois et réglementations relatives au transport et à l’environnement, de l’énergétique et de la physique de l’atmosphère. En rassemblant des chercheur.es  d’Isae-Supaero, Toulouse School of Economics, Enac, TBS Education, Météo France, Cerfacs, Université Toulouse 1 Capitole et Université Toulouse Jean Jaurès, l’ISA acte la nécessité de faire travailler ensemble des disciplines qui ne se parlent généralement pas. « Mon moteur, a expliqué Laurent Joly, est de mobiliser une recherche interdisciplinaire car la problématique de l’aviation durable est située au carrefour de nombreux défis scientifiques, technologiques, sociétaux et économiques. Les questions liées à l’aviation sont extrêmement clivantes, les réactions très vives de part et d’autre et la mutation de ce secteur est un prototype de problème environnemental aux enjeux multiples : économiques, financiers, psychologiques, juridiques, etc.

Nos projets de recherche nécessitent donc un dialogue permanent entre plusieurs disciplines du monde académique et avec le monde industriel.  

Laurent Joly

Auprès de l’industrie, il faut pouvoir porter une parole crédible, légitime et non suspecte de militantisme, et réciproquement dans le champ académique, il faut mener des projets scientifiques qui doivent être à l’écoute des réalités du secteur de l’aviation. On est sur une ligne de crête très ténue car ce n’est c’est pas si évident de mettre autour de la table ces différentes sensibilités scientifiques. Mais c’est ce qui fait le caractère unique de l’ISA et son ambition inédite ! Le challenge scientifique est immense et on a besoin, outre de financements, de faire circuler les idées scientifiques autour de cette question et d’amplifier ce travail en mode interdisciplinaire. »

Laurent Joly

« L’accès à la parole, condition de la vitalité démocratique »

Marlène Coulomb-Gully, professeure, LERASS – Université Toulouse Jean Jaurès

Autrice du livre « Sexisme sur la voix publique » (éditions de l’Aube)

« Mon moteur ? Faire en sorte que la démocratie soit inclusive et qu’elle permette à tous et à toutes de prendre la parole. La voix partagée et l’accès à la parole, conçue comme un bien commun, sont au fondement de la citoyenneté et participent directement à la vitalité démocratique ». Dans son récent ouvrage Marlène Coulomb-Gully évoque les enjeux de la prise de parole en public, en particulier pour les femmes. La chercheuse dont les travaux portent sur la représentation et la visibilité des femmes dans les médias et dans l’univers politique analyse les prises de parole « dans le chaudron de l’Assemblée nationale », de femmes politiques des 50 dernières années. De Simone Veil à Valérie Pécresse en passant par Christiane Taubira ou Edith Cresson, toutes ont subi des remarques empreintes « d’un sexisme d’une violence parfois inouïe », note la chercheuse. Analysant leurs prises de parole, leur rapport à l’éloquence, leurs accents et la tonalité de leur voix, Marlène Coulomb-Gully affirme que « la voix ne peut rester le privilège de quelques-uns, ni même de quelques-unes. L’espace public doit résonner d’accents divers et de voix multiples. Il nous faut dépasser les modèles traditionnels de l’éloquence : Discours raté, propos nul, soyons capables d’entendre les mots, les paroles et les voix qui ne correspondent pas aux critères d’excellence auquel on a été habitué. on n’est pas obligé d’être une grande oratrice ou un grand orateur pour apporter des choses à la société. Le défi est à la hauteur des enjeux démocratiques. »

Marlène Coulomb-Gully le 17 mai 2022 à Toulouse

Et vous quel est votre moteur ? [Suite]

En bref les autres verbatims principaux :

  • Ingela Alger, directrice de recherche CNRS et directrice IAST de Toulouse School of Economics : « Pour répondre aux questions sociétales importantes, il est crucial de d’avoir une approche interdisciplinaire ;  en collaboration avec des chercheurs en écologie TSE a créé le « master in economics and ecology »
  • Vanessa Golfier, CEO, Junglo : « Mon moteur c’est imaginer des modèles qui allient vraiment la performance économique et écologique ; agir avec enthousiasme parce que tout simplement, c’est communicatif ! »
  • Sandrine Jullien-Rouquié, CEO Ludilabel, présidente French Tech Toulouse : « Mon moteur c’est promouvoir la diversité, la mixité et l’impact qui est très important pour la nouvelle génération d’entrepreneur.es. »
  • Mohamed Kaaniche, directeur, Laas-CNRS : « Le déséquilibre de la représentation des femmes dans le métier de la recherche et dans le numérique, c’est un vrai sujet de préoccupation. Il faut ouvrir nos laboratoires de recherche dès le plus jeune âge. »
  • Vanessa Vierling, founder and CEO, Spring Lab : « Le monde doit changer et les entreprises doivent jouer un rôle déterminant et opérer le changement de modèle nécessaire. »
  • Alexia Anglade, fondatrice Lumières S’il Vous Plaît : «Pendant longtemps mon moteur a été la colère face aux stéréotypes de genre. Aujourd’hui je la transforme en enthousiasme pour agir à plusieurs niveaux : promouvoir la carrière des femmes, accompagner les managers et manageuses à être le moins sexiste possible et contribuer à éduquer différemment les nouvelles générations. »
  • Maryse Penen, directrice communication & RSE, Berger-Levrault : « Face à l’ampleur des défis, une attitude me paraît essentielle : la détermination et l’enthousiasme ;  S’encourager mutuellement parce que parfois vraiment les montagnes sont très hautes ! »
  • Nathalie Raynal, fondatrice, Taly & Co : « L’émulsion collective est un très bon moteur et je trouve que ici ce soir ça se ça se repère, ça se reflète, ça se transpire et c’est et c’est magnifique ! »