Ce sont 20 cours tableaux en forme de leçons qui font l’effet d’une claque, une claque mais de celles qui réveillent. Dans son livre paru en 2017 et aujourd’hui édité en album graphique, l’historien Timothy Snyder nous rappelle, à nous les humain.es du 21è siècle, combien il est absurdement simple de basculer du côté de la tyrannie. « Nous ne sommes pas plus sages que les Européens qui ont vu la démocratie succomber au fascisme, au nazisme ou au communisme au XXè siècle, prévient l’américain, professeur d’histoire à Yale University. Notre seul avantage est de pouvoir attirer l’attention sur leur expérience. Il est désormais grand temps de le faire. »
Les 20 leçons de Timothy Snyder – de la première « Ne pas obéir à l’avance » à la vingtième « Être aussi courageux que possible » – nous mettent en garde contre la fragilité de nos démocraties et les formes les plus insidieuses de l’oppression et de la tyrannie.
Cinq ans après sa première édition, le livre fait l’objet d’une adaptation graphique qui renforce ses messages.
L’artiste et illustratrice Nora Krug emploie de multiples techniques : collages, dessin au crayon, aquarelles, photographies brutes et photographies colorisées. Son travail sur les archives est phénoménale comme en témoigne la précision des crédits iconographiques. Nora Krug, par ailleurs autrice de Heimat : Loin de mon pays, y explique la raison du choix de cette diversité de techniques et de styles visuels : « Je l’ai fait pour souligner que la tyrannie est universelle et intemporelle ».
Dans la leçon « 10. Croire à la vérité », Timothy Snyder estime qu' »abandonner les faits, c’est abandonner la liberté ». Il rappelle qu’en 2020, le président américain proférait 27 mensonges par jour en moyenne. Et Nora Krug illustre cette énormité en mettant en écho une illustration avec un photomontage de 1908 trouvé chez un antiquaire.
Comme en écho, la rafle du Vél d’Hiv
« De la tyrannie, vingt leçons du XXè siècle » résonne avec d’autant plus de force aujourd’hui que s’approche la date anniversaire de la rafle du Vel’Hiv. Les 16 et 17 juillet 2022, il y aura 80 ans que 12 884 enfants, femmes et hommes (oui c’est bien ça, 12 884 personnes) ont été arrêtés par la police française (4500 policiers parisiens mobilisés) puis transportés en bus dans la salle des sports du Vélodrome d’Hiver, dans le 15è arrondissement de Paris avant d’être déportés dans les camps nazis. Les Allemands n’avaient pas demandé aux autorités françaises l’arrestation des moins de 16 ans ; mais plus de 4000 enfants ont été arrêtés.
Dans son livre « La Rafle du Vél d’Hiv. Paris, juillet 1942 » (Grasset) Laurent Joly présente le travail de recherche inédit qu’il a mené. De la consultation de centaines de témoignages à l’exploitation inédite des « fichiers juifs » et des rapports d’arrestation de la Préfecture de Paris, l’historien et directeur de recherche au CNRS a cherché à comprendre les marges de décision qu’avaient les fonctionnaires lors de ces terribles journées. Sa conclusion est sans appel : « À tous les niveaux, la possibilité de dire non était réelle ». Une autre façon de dire ce que proclame le philosophe Leszek Kołakowski cité par Timoty Snyder : « En politique, être trompé n’est pas une excuse »